Le Monte Cinto
Le Monte Cinto, toit de la Corse, règne, du haut de ses 2706 mètres, sur l'Île de Beauté. Son royaume, d’origine volcanique, s’étend sur la région du Niolo, en Haute-Corse et forme le massif du Cinto, gigantesque barre rocheuse au milieu de l’île. Cette montagne qui flirte avec la mer, distante seulement de 24 kilomètres, fascine par sa nature impénétrable, presque hostile, et met au défi les amateurs de randonnée sportive. Partons à l'assaut de ce sommet mythique.
Une famille de géants
De prime abord, le monte Cinto se confond avec l’impressionnante chaîne hercynienne dont il fait partie. Le massif se dresse comme une énorme muraille dentelée, aux crêtes rougies par le porphyre. Cette “Grande barrière” orientée nord-sud sépare les vallées de l’Asco et du Golo et comprend nombre de sommets remarquables, tous dépassant les 2000 mètres. Entre la Punta Minuta, le Capu Tighjettu, la Paglia Orba ou encore le Capu Tafunatu, ce sont autant de voisins illustres qui rivalisent d’attraits pour les amoureux de la haute montagne.
L’histoire des ces géants remonte à 250 millions d’années, quand un cataclysme volcanique secoua la mer, créant un énorme cratère d’effondrement dont le massif constitue l’un des bords. La rhyolite à la teinte rouge grisée caractéristique des roches magmatiques, rappelle cette naissance mouvementée.
Sur les versants du Monte Cinto s'épanouissent une flore et une faune typiques de la montagne corse. On peut y voir s’ébattre le fameux mouflon, et la végétation se décline en forêts, landes ou lacs où pozzines. Quand on s’approche des cimes, le paysage renvoie aussi à une ambiance de solitude post-apocalyptique presque irréelle. Toute vie semble avoir déserté de ce désert minéral chaotique. Seul le survol de fiers rapaces, gypaètes barbus et aigles royaux, accompagne les marcheurs.
On date la première ascension touristique du Mont Cinto en 1883. Actuellement, le sommet se trouve sur la route du mythique GR20 dans sa version alpine et attire de nombreux randonneurs confirmés, prêts à affronter la rudesse du dénivelé et les passages délicats dans les blocs. Sans oublier les caprices de la montagne corse, où orages et chutes de températures sont courants. Si vous vous sentez prêts à défier le géant corse, deux possibilités s'offrent à vous : l’ascension par le sud, au départ de Lozzi, ou par le nord, à partir de la station du Haut Asco.
L'ascension par le Sud
Par le versant sud, la randonnée commence au parking qui jouxte les campings de Lozzi. On y monte jusqu’au refuge de l’Erco, où il est possible de séjourner. Bien balisé par des cairns, le parcours se révèle exigeant et ses 17 km et ses 1650 mètres de dénivelé demandent une très bonne condition physique associée à un mental solide. Si vous souhaitez découvrir le Monte Cinto en famille, ou que vous redoutez cet effort, vous pouvez vous arrêter au lac de Cinto.
Pour l’ascension complète et la descente, comptez un minimum de 9 heures, ce qui implique de partir à l’aube. Après environ 3 heures de marche sur une pente ou les cailloux remplacent progressivement la lande, vous entrez dans la dernière heure de votre ascension, la plus grandiose. Vous pénétrez dans le monde austère de la haute montagne corse, où le temps semble immobile, suspendu. Dans un silence minéral, seulement troublé par les crissements de la pierre friable sous les pas, vous avancez dans un théâtre de blocs, barres et arêtes rocheuses, faisant corps avec la montagne. L’arrivée au sommet vous récompense d’un panorama inoubliable : vous embrassez du regard les pics environnants, dont la majestueuse Paglia Orba, et la mer qui dessine les contours des golfes de Porto et Calvi. Pour descendre, on emprunte le long pierrier qui mène au lac de Cinto, vision délicieuse après cette immersion dans un monde de pierre. On suit ensuite le ruisseau de l’Erco jusqu’au refuge.
L’épreuve du Nord
Si vous optez pour le versant nord, celui emprunté par les randonneurs du GR20 pour la quatrième étape du circuit, il vous faudra vous rendre à Haut-Asco. Il est possible d’y séjourner, à l’hôtel ou dans le refuge d’Asco-Stagnu. L’ascension, un peu moins longue, s’avère plus rude et technique que par le versant sud. Au départ du refuge, le sentier suit le vallon du Tighjettu, au milieu des pins Laricio, puis la piste devient rocailleuse, alternant brèches et ravins. On progresse difficilement dans un pierrier lunaire jusqu’à la Pointe des Eboulis, à 2607 mètres. Une première victoire qui donne un second souffle pour la fin du parcours ! C’est l’endroit idéal pour déjeuner en profitant du cadre grandiose, en compagnie des aigles royaux ou des gypaètes. Ceux qui en portent peuvent alors poser leur sac à dos pour franchir les derniers 100 mètres de dénivelé positif avant le sommet. Cette ultime montée, qui évoque la traversée de quelque labyrinthe mythologique où des dieux capricieux auraient joué avec d’énormes rochers, se fait dans l’euphorie. On progresse dans un chaos minéral en cherchant son chemin avec les mains, mètre après mètre. La victoire est à la mesure de l'épreuve : une fois au sommet de Cinto, la Corse apparaît réunie, mer et montagnes confondues dans une vue à 360 degrés. Vous pouvez alors savourer pleinement cet instant mémorable : vous avez vaincu le Cinto par la voie royale ! Il vous faudra cependant garder lucidité et énergie pour la descente, car on emprunte le même itinéraire au retour et il est préférable d’avoir le pied sûr…