Le couvent de Marcassu en Haute-Corse
Créé par les moines franciscains au XVIIème siècle, en Balagne occidentale, le couvent de Marcassu est aussi méconnu du grand public qu’il fut influent dans le passé. Cet édifice monumental trône dans une douce plaine rurale typique de la région balanaise, où il ne représentait plus depuis longtemps qu’une pièce mineure de l'échiquier patrimonial. C’était sans compter sur le destin, ou la Providence, qui aime à rebattre les cartes du temps et à ranimer le passé. Retour sur l’histoire mouvementée de ce couvent secret.
Le site
Le couvent de Marcassu se trouve à distance égale de Calvi et de l’Île Rousse. On y accède par la route qui va au village de Lavatoggio. Sa situation est typique de la Balagne : les hauts sommets veillent, en arrière-plan, sur l’édifice carré qui domine la plaine rurale d’Aregno et la mer. Autour, des villages perchés typiques de la région s’étagent, paisibles hôtes de la montagne. Entouré d’une épaisse végétation devenue sauvage, le couvent en impose toujours, dégageant la force tranquille des lieux de paix. Son apparence plutôt austère est adoucie par le relief accueillant de la plaine et la lumière de Balagne, un lieu sans doute idéal pour une retraite spirituelle…
L'âge d’or
L’histoire du couvent de Marcassu a commencé en 1621 par un don. Trois familles locales mirent à disposition de l'Église des terrains qui comprenaient les restes d’un castello datant du Xème siècle. En 1623, la première pierre du couvent a été posée sur ces ruines en grande cérémonie. Durant deux siècles, les travaux se succédèrent pour aboutir au bâtiment final. Un cloître, une église et 40 salles organisées en quatre ailes le composent pour une surface de 1 500 mètres carrés. Les Franciscains l’occuperont jusqu’en 1789.
Au XVIIème siècle, la plaine d’Aregno était densément peuplée. Plantée d’oliviers, d’amandiers et d’orangers, la Balagne constituait à la fois le “jardin de la Corse” et la région la plus riche en lieux de culte. Marcassu y était alors un lieu important, tant par son rayonnement spirituel que par son pouvoir. Les habitants de Cateri dépendaient de l’église du couvent et celui-ci se trouvait à la tête de nombreuses terres cultivées. Ses besoins en eau augmentant, les communes voisines furent même mises à contribution, effectuant des donations en eau pour l’été.
La chute
L’histoire de Marcassu rejoint la grande histoire lorsque, après la Révolution française, le couvent fut décrété bien national. Les Franciscains furent expulsés et le bâtiment vendu aux enchères. L'acquéreur, Joseph Salvini, démantela les richesses de Marcassu. Ses deux cloches et ses orgues furent vendus, son autel se retrouva à l’église de Cateri. Il conserva cependant les boiseries de sa sacristie et 5 tableaux du XVII au XVIIIème siècle, qui seront classés aux Monuments historiques à la fin du XXème siècle. Par la suite, le couvent revint au diocèse, mais, malgré une occupation par les frères mineurs puis par les Bénédictins, il tomba dans l’oubli. En 2014, il est vide. Son immense toiture laisse passer l’eau, la vie l’a déserté…
La résurrection
Ce n’est que tout récemment que l'histoire a pris un tour nouveau. Le présent est venu ranimer ce trésor du passé. En 2019, une jeune communauté féminine, les sœurs du Rosaire de l’Annonciation, s’y est installée et n’a pas tardé à trouver sa place avec, semble-t-il, la bénédiction divine. En 2020, la source donnée au couvent en 1642 par une famille locale, et qui s’était tarie, est en effet revenue à la vie ! L’évêque d’Ajaccio a salué cet augure en bénissant la source et la communauté, encouragée, a continué de développer ses apostolats. Les sœurs organisent des camps d’été pour les enfants, dispensent le catéchisme dans les villages alentour, en plus des messes et célébrations ouvertes au public. Chacun peut y faire une retraite ponctuelle de 3 jours ou plus l’été. L’état du bâtiment restait cependant problématique : malgré la mobilisation des sœurs, la création d’une association et un appel au mécénat privé, il était impossible de réunir la somme nécessaire aux travaux.
En 2021, un coup de pouce qu’on dirait divin a encore œuvré pour la résurrection de ce monument. Le couvent a obtenu du “Loto du Patrimoine” une subvention lui permettant de financer les rénovations de sa toiture. Les travaux ont commencé, interrompant temporairement les retraites. Le couvent de Marcassu est en route pour une nouvelle jeunesse !
