Le lac de Nino en Haute-Corse
Un fjord norvégien ? Une tourbière irlandaise ? Non, vous êtes au lac de Nino, entouré de ce qui semble être des morceaux de prairie flottante… Ce paysage étonnant de pozzines se trouve non loin de Corte, presque à la limite entre la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud. Nino fait partie des lacs glaciaires du Monte Rotondo, avec Melo et Capitello, mais il est moins connu, et moins fréquenté. Il faut dire que la randonnée pour s’y rendre est bien plus exigeante. Mettez vos meilleures chaussures de marche et partons à sa découverte !
Le lac et l’accès
Le lac de Nino est le deuxième de Corse par la taille, avec 6,5 hectares de superficie. Profond de 12 mètres, il est la source de la rivière Tavignano.
Pour y accéder, il faut marcher, mais ici il ne s’agit plus d’une promenade, vous avalerez un dénivelé positif de 730 mètres en 5 heures. Autant dire qu’il vaut mieux être en forme, même si l’ascension ne présente pas de grosse difficulté technique. Mieux vaut donc prévoir une journée entière pour profiter de cette superbe randonnée.
La randonnée
Le départ se fait à la maison forestière de Poppaghia, à 1 075 mètres d’altitude. On y accède par la D84 en venant de Corte, auquel cas on compte une trentaine de kilomètres, et par la D18 à partir de Porto. Comptez alors 48 kilomètres. Vous allez suivre le sentier balisé, puis les cairns.
Pendant la première heure de marche, vous évoluerez en pente douce dans la forêt de Valdu Niellu. Vous aurez alors tout le loisir de profiter de cette belle pinède de pins Laricio, mêlés à une végétation plus basse et dense qui couvre en partie les formations granitiques. C’est en suivant le ruisseau de Colga, qui bondit joyeusement dans les rochers, que vous arriverez à la bergerie du même nom, construite à flanc de montagne à 1 411 mètres d’altitude.
Ensuite commencent les choses un peu plus sérieuses : la végétation se raréfie, les rochers sont plus massifs, abrupts, et il vous faudra escalader une petite portion du tracé. Vous voici arrivés au col de Bocca a Stazzona, à 1 765 mètres d’altitude. Vous pouvez souffler et contempler le panorama. Devant vous les montagnes semblent s’écarter comme un rideau de théâtre pour laisser apparaître le plus haut sommet de Corse, le monte Cinto, et la Paglia Orba.
À l’est, le lac de Nino se détache comme une flaque pâle sur le velours vif des pozzines. Il ne vous reste plus qu’à suivre le sentier qui y descend.
Les pozzines et leur écosystème
Il est fort probable que vous ne serez pas seuls : on distingue dans une demi-brume la silhouette de chevaux sauvages en train de brouter. Cette vision onirique est habituelle sur les plateaux de pozzines et renforce la sensation de dépaysement. C’est que ces prairies, traces de l’ère glaciaire, sont irriguées en permanence par des “puits”, pozzi en langue corse, qui les relient. Nino fait partie des lacs dits “verts”, plus chauds et biologiquement plus riches que les autres. Tout un écosystème complexe s’y est développé. Outre les chevaux, on y trouve des cochons ainsi que deux espèces aquatiques endémiques de l’île, la truite macrostigma et l’euprocte de Corse. Dans les pozzines, se développent des joncs, pâquerettes des neiges, grassette corse… Cette faune et cette flore sont fragiles et protégées.
En amorçant la descente du retour, vous serez encore éblouis par l’impression de matin du monde qu’on éprouve au lac de Nino, et ces images resteront un merveilleux souvenir.