La citadelle de Bonifacio en Corse-du-Sud
Bonifacio fait partie de ces sites pour lesquels les superlatifs sont usés. Harmonie unique entre la main humaine et l'imagination de la nature, la ville aux 40 sites classés est littéralement encerclée par son énorme citadelle qui domine le port. Les Génois l’ont agrandie et renforcée dès le XIIème siècle pour protéger la ville et, presque 10 siècles plus tard, elle continue de tenir son rôle, isolant la haute-ville et les vestiges de l’histoire. Massive, rassurante, la forteresse semble tenir cette cité au bord du vide et figer le temps. Partons à l’assaut de la gardienne de la plus ancienne ville de Corse.
Le préside et son influence
Quand on est sur le port de Bonifacio, une fois passée la stupéfaction de voir ces maisons perchées sur leurs falaises blanches, au bord de l’abîme, les murs fauves de la citadelle aspirent le regard. l’édifice, en contre-haut, paraît gigantesque et la ville nichée à l’intérieur, imprenable. Il faut dire que ses dimensions impressionnent : ses murailles courent sur 1 kilomètre de long et 200 mètres de large, occupant le plateau à 60 mètres au-dessus de la mer.
Cet ensemble fortifié n’est pas une citadelle au sens strict, car sa fonction n’est pas uniquement défensive. Il s’agit d’un préside, fortification qui mixait habitat civil et militaire à l’usage exclusif des colons, excluant la population autochtone à l’ouest et en contrebas de sa forteresse. Bonifacio est ainsi devenue une ville à deux étages, la haute-ville des occupants génois et et la ville basse des locaux, qui ont fini par se mêler.
L'empreinte génoise a profondément marqué l’identité de la ville, au point qu'on y parle encore un corse mâtiné de génois. Quant à l’histoire militaire, elle s’est perpétuée d’une autre manière puisque la légion étrangère était encore basée dans les casernes de la haute-ville jusqu’en 1983.
Un musée vivant
Aujourd’hui, cette citadelle urbaine est toujours habitée et vivante, mais l’on passe facilement de la ville moderne à la haute-ville. Bonifacio conjugue le passé au présent et la vie moderne s'accommode très bien de ses édifices médiévaux. On peut faire son marché sur la loggia de l’Arsenal, du shopping dans les rues étroites aux façades si hautes qu’elles semblent sur le point de se refermer… L’été la ville connaît une forte affluence touristique, mais il reste encore possible de dénicher un petit restaurant authentique dans ce musée vivant.
Un peu d’histoire
En 1185, lorsque les Génois prirent la ville fondée par Boniface, le castrum fortifié sur son éperon de calcaire existait déjà. Ils n’auront, dès lors, de cesse que de l’étendre vers l’est et de le renforcer, créant le préside. Les enjeux de l’époque étaient majeurs et Bonifacio stratégique ; il fallait protéger son port, l’un des plus sûrs de Méditerranée, et contrôler le détroit entre la Corse et la Sardaigne toute proche, crucial pour le commerce maritime.
Une ceinture fortifiée ponctuée de tours s’étendit progressivement autour du noyau historique. Les Génois construisent un chemin de ronde muni de meurtrières, dont on peut encore parcourir la portion située au nord de la ville médiévale. S’y ajoutèrent des équipements, ponts-levis et doubles murs, pour résister à l’artillerie. Cette construction, étalée sur plusieurs siècles, a produit la citadelle actuelle.
La haute-ville
Pour entrer dans la citadelle, il vous faut emprunter la rude montée de Saint-Roch qui mène à la porte de Gênes. Belle introduction, car l’ouvrage est à la mesure des merveilles qui se succèdent à l’intérieur.
Conçue selon un plan typiquement génois, avec un axe principal et des axes secondaires perpendiculaires, la cité a gardé ses grands traits médiévaux. Construites dans le calcaire sec des falaises, les maisons se sont érigées vers le haut. Pour pallier le manque de place au sol, elles ont accumulé les étages. En levant les yeux, on remarque les arcs-boutants qui les relient. La conservation et la distribution de l’eau potable représentaient en effet un enjeu majeur, surtout en cas de siège, et la ville s’est munie d’un réseau efficace de puits, canalisations et citernes. Même le fameux escalier du roi d’Aragon est en réalité une poterne permettant d’accéder à une source située en bas de la falaise.
La beauté de la haute-ville réside en grande partie dans les détails : ici un linteau sculpté, là un blason armorié ou une rangée d’arcatures géminées sur une grande maison bourgeoise.… Les monuments classés sont légion. Un Pass à se procurer avant la visite permet de s’y rendre facilement. La cité médiévale abrite, entre autres, trois églises remarquables : Sainte Marie Majeure avec son haut clocher et sa loggia couverte, qui fait l’objet d’une importante réhabilitation, la discrète église Saint-Jean Baptiste et Saint-Dominique, la plus grande église de Corse et l’une des rares de style gothique…. Incontournable, la descente des 187 marches de l’escalier du roi d’Aragon. Les légendes se contredisent pour savoir qui en est l’auteur, d’Alphonse II ou des habitants de Bonifacio, mais toutes s’accordent à dire qu’il aurait été construit en une nuit !
Du haut de la citadelle, la vue sur le port, la ville en contrebas et la mer est fantastique. Pour trouver les meilleurs points de vue, rendez-vous au bastion de l’Étendard ou à la place du Marché. Du haut de cette fière citadelle, vous vous sentirez invincible !